samedi 3 octobre 2009

Master in Emptiness

J'ai intégré une école après une prépa et je sens mon cerveau qui fond ce groupe Facebook totalise aujourd’hui 2720 membres dénonçant tous l’enseignement reçu en école de commerce.

« J’avais l’impression d’être intelligent », « j’avais un avis sur tous les sujets en économie », « je pouvais discuter des heures sur les Nymphéas de Monet »…sont des phrases que l’on a tous au moins une fois entendu en école. De fait, une fois passée la folie post intégration (WEI compris), les étudiants reçoivent littéralement une grosse claque en pleine figure. Passer d’un cours de mathématiques durant lequel tout est démontré à un cours de marketing où l’on raisonne par échantillonnage est une épreuve difficile. Pis, quand les matières se veulent scientifiques (Méthodes quantitatives), tout y est admis. Allez dire à un sage étudiant, qui pendant 2 ou 3 années à toujours tout démontrer, d’admettre certains calculs de variance ou la loi des grands nombres.

La dictature du PPT

Le postulat de départ est qu’il n’y a pas de cours intéressants mais des professeurs intéressants. Généralement les professeurs les plus passionnants – on en croise en ESC- ont dépassé la quarantaine, sont des pointes dans leurs domaines et ne sont pas du tout académiques. Ils continuent à utiliser le tableau/marqueur ou le transparent/vidéo projecteur et n’ont pas succombé à la dictature du PPT.

Le PPT a apporté une nouvelle dimension aux cours, l’étudiant passe du statut d’auditeur actif à celui d’auditeur passif, voire à celui de masse physique présente dans la salle de classe. Quel est l’intérêt de prendre des notes, et par extension, de suivre un cours lorsque l’on sait que tout ce qui se dit au tableau va nous être fraîchement délivré à la fin du cours. Pire certains professeurs nous livrent en début de semestre un pack avec tous les slides du cours. Pourquoi dès lors venir en cours pour écouter un professeur lire les slides qu’il nous a préalablement donnés ?

La première année d’école est ainsi, de loin, celle qui souffre le plus de l’absentéisme chronique. Les étudiants sont obligés d’assister à des cours qu’ils n’ont pas choisis et dont l’intérêt est à géométrie variable. Lorsque l’on couple ce phénomène à celui des soirées à répétition, on comprend mieux la mise en place de contrôles divers afin de maximiser l’assiduité des étudiants volages.

Concernant l’intérêt des cours, le cours le plus pratique, celui qui fait vraiment la différence en entreprise est incontestablement le cours d’informatique. Preuve en est le sourire de votre tuteur de stage lorsque vous lui annoncerez que vous êtes Excel Litterate.

Cette vision est caricaturale mais néanmoins réaliste. Certes les professeurs ne se contentent pas de lire les slides suavement délivrés dans nos casiers, la majorité tente vraiment de rendre les cours attractifs en donnant la parole aux étudiants ou par le biais de présentations diverses. De plus, certains professeurs se servent de ces slides uniquement comme support et le côté qualitatif du cours passe par des réflexions faites à l’oral.

Quelques idées pour rendre les cours plus intéressants

  • Interdire l’utilisation d’ordinateurs en cours
  • Se servir de PPT uniquement comme support et ne pas se contenter de lire les slides
  • Fournir les dits slides après les cours
  • Faire participer la classe, faire vivre les cours.

De l’art de valider des cours où on n’a jamais mis les pieds

C’est la grande mode. Valider un cours où l’on n’a jamais mis les pieds est une chose courante en ESC, c’est un acte qui procure un grand sentiment de fierté et illustre « l’inutilité de la présence en cours ». C’est pourtant un exercice assez simple lorsque pendant deux ans on a fait face à une importante quantité de travail. Les étudiants qui pratiquent ce sport découvrent la veille le cours en question et l’apprennent bêtement afin de recracher les connaissances lors des partiels.

Recracher les connaissances. La prépa c’est fini les amis, ici on ne réfléchit plus ou très peu. Deux types d’épreuves se distinguent aux partiels : les cas pratiques et les épreuves de connaissances, -parfois le mix des deux. On ne s’attardera pas sur les cas pratiques, ils sont une assez bonne méthode d’évaluer les connaissances académiques des candidats. Le second type d’épreuve nous fait voyager dans le temps et nous rappelle l’époque de la sixième, année au cours de laquelle nous devions être capables de réciter avec brio les équivalences en romain des dieux grecs. Qu’on se le dise, on ne vous demande plus de réfléchir mais plutôt de réciter un élément de cours appris la veille et vite oublié à la sortie de l’examen. Certains professeurs iront même jusqu’à vous demander de "réciter" un élément de cours à l’aide de vos cours mêmes que vous pourrez apporter lors de l’examen : vous découvrez alors la joie de l’Open Book.

Il est bien évidemment très facile de critiquer les modes d’évaluation en ESC, mais peut être que la problématique majeure ne réside pas dans le domaine des connaissance.

L’ESC ne nous apporte pas uniquement des connaissances à travers des cours magistraux, elle nous transforme par le biais de rencontres, des situations de travail ou encore via les associations. Elle vise à développer notre savoir faire et notre savoir-être plutôt que de nous apporter uniquement des connaissances.

En conclusion, une phrase de mon parrain d’école : « depuis que je suis diplômé, je n’ai pas utilisé plus de 5% de ce que j’ai appris au cours de mes 3 années d’écoles, en revanche j’ai utilisé à 100% mes compétences, la notoriété de mon école et par dessus tout mon réseau ».

jeudi 1 octobre 2009


Le livre J’ai fait HEC et je m’en excuse est incontestablement la version française de What They Teach You at Harvard Business School: My Two Years Inside the Cauldron of Capitalism, livre écrit par Philip Delves Broughton (également auteur de nombreux articles tels que Harvard's Masters of the Apocalypse, paru dans le Sunday Times). Le livre de Florence Noiville surfe donc sur la vague de remise en question mondiale de la formation des élites, vague qui a bien évidemment trouvé son origine dans la crise.

Derrière ce titre provocateur et racoleur, Florence Noiville cristallise une critique de l’école HEC et de ses diplômés. Elle regrette l’approche court-termiste sans cesse mise en avant dans l’enseignement d’HEC et par extension dans toutes les ESC. Elle déplore également le fait que la plupart des étudiants soient guidés et motivés par la quête de l’argent facile et ce sans remettre en question les tâches effectuées ni les finalités des objectifs accomplis.

Elle rejoint donc la critique que Delves Broughton fait de la Harvard Business School (HBS), qui souligne l’arrogance des jeunes étudiants de MBA à HBS. Dans un entretien face à 80 étudiants de MBA et Jeanette Purcell, chief executive de l’association AMBA, Delves Broughton avait résumé sa théorie en quelques points.
  • Selon lui, les études de cas, sur lesquels travaillent les étudiants de HBS sont beaucoup trop simplistes et ne correspondent pas à la réalité face à laquelle les étudiants se retrouvent confrontés dans leurs vies professionnelles. Il préconise ainsi des études de cas beaucoup plus transversales dans lesquels on retrouverait des problématiques de finance mais également des problématiques de RH ou de marketing, comme dans la vie en entreprise. Cette approche est vraiment pertinente, néanmoins rend plus ardu le travail des concepteurs de cas pratiques.
  • Le second point évoqué correspond à la gestion du réseau. Selon lui, il est très dommageable pour une entreprise de recruter de nombreuses personnes d’une même école car cela ne crée pas de synergies. Les personnes recrutées sont toutes semblables, proviennent du même moule et usent les mêmes cadres de réflexions lorsqu’elles conduisent leurs travaux. Ce point est en revanche beaucoup plus contestable.
  • Enfin, Delves Broughton souligne que le fait de retrouver à la tête des grandes entreprises et au sein de l’Etat même des anciens de HBS est dangereux pour notre économie mondialisée. Selon lui, la « secte HBS » est présente partout et guide les politiques économiques des USA. Le meilleur exemple : le sauvetage de la banque AIG par Paulson (ex HBS, ex Goldman Sachs et aujourd’hui secretaire aux Trésor) dont les dettes à l'égard de Goldman Sachs s'élevaient à 12 milliards de dollars. Quelques semaines plus tôt le Trésor américain laissait couler sans sourciller Lehman Brothers. (voir http://www.lepoint.fr/actualites-economie/2009-09-24/goldman-sachs-ne-perd-jamais/916/0/379933)

Ces accointances nuisent à notre capitalisme contemporain et favorisent la reproduction du modèle qui a conduit à notre crise.

De la difficulté de changer les moeurs

La critique majeure que l’on pourrait faire à ces deux auteurs est que leurs dénonciations émergent uniquement après que la crise ait été subie et constatée. Où étaient-ils il y a 5 ans quand les augmentations de salaire des cadres supérieurs frôlaient les 25% de moyenne et lorsque les élites s’ennorgueuillaient de la stabilité du système financier. Il est bon de savoir remettre en question le système du dressage des élites et apporter de nouvelles idées afin de l’améliorer.
Néanmoins, on peut nuancer ce bilan alarmiste et constater dans nos écoles de commerce que la tendance a été pressentie il y a quelques années en proposant notamment des spécialisations dans le domaine de la culture, du développement durable ou encore des cours de sciences humaines. Les écoles prennent conscience que ce modèle n’est pas viable et qu’il convient de développer des modes de pensée alternatifs.